Comment un killi espagnol a échappé à l’extinction ?

Actuellement décrite comme éteinte sur l’ensemble du territoire français, l’espèce fut très menacée dans l’ensemble de son aire de répartition en Espagne : à la fin des années 80, les derniers spécimens survivaient dans de rares lagunes à proximité de Valence.

Qui sait aujourd’hui qu’un petit poisson argenté, rayé de jaune, fut autrefois présent en France, dans la région de Perpignan ?

Le Valencia hispanica , ‘samarugo’ en espagnol, est actuellement au centre d’un programme de réhabilitation ambitieux mené par l’état espagnol.

Cette espèce devrait avoir une réelle valeur symbolique pour de nombreux aquariophiles : elle fut l’un des premiers poissons à avoir été maintenus en captivité et ce, depuis 1881.

Les causes de sa raréfaction

Originaire de la péninsule ibérique, le samarugo a subi un déclin très important tout au long du XXe siècle.

Il a perdu plus de 80 % de sa population entre 1980 et 1990 suite à la destruction de son habitat, à l’augmentation des pollutions agricoles et à l’introduction d’une espèce américaine : la Gambusia holbrooki.

Gambusia holbrooki - Etrusko
Gambusia holbrooki © Etrusko

Sa disparition est principalement due à l’assèchement et à la dégradation des zones humides suite à la forte expansion des zones habitables.

La collecte par les aquariophiles a pu accélérer le déclin des populations mais l’ampleur des conséquences liées à ces prélèvements restent inconnues.

Longtemps recherché par les passionnés, le samarugo est aujourd’hui un poisson tombé dans l’oubli. Il a perdu sa notoriété aux profits d’espèces cousines plus exotiques telles que les espèces des genres Aphyosemion, Fundulopanchax ou encore Simpsonichthys.

Le samarugo est considéré en danger par la législation espagnole depuis 1990. Il est également protégé dans la région de Valence depuis 1994.

Albufera de Valencia © Etrusko

La biologie du samarugo

Le samarugo se rencontre dans les lagunes et les petits ruisseaux du bord de côte. C’est une espèce vive pouvant mesurer jusqu’à huit centimètres. En milieu naturel, il se nourrit principalement de petits insectes et de larves.

Valencia hispanica Matt Ford
Valencia hispanica © Matt Ford

Mâles et femelles sont aisément reconnaissables, les mâles ayant le bord des nageoires dorsale et caudale jaune ou orange, tandis que celui des femelles est brunâtre.

Le programme de conservation

Le programme de réintroduction a été lancé par une association regroupant passionnés et scientifiques, soutenue par les instances écologiques espagnoles.

L’objectif du programme fut d’organiser le maintien voire le redéploiement du samarugo dans les régions les plus préservées.

Pour ce faire, l’état a retenu une liste précise de rivières et lagunes propices à son retour. La présence d’espèces exotiques dans certains sites de peuplement initial a empêché sa réintroduction dans toute son aire originelle. Pour palier à ce problème, des zones artificielles reproduisant le biotope naturel du samarugo ont été recréées.

Compte tenu de la situation difficile de l’espèce, les mesures de conservation in situ ont été appuyées par un programme de reproduction en captivité. Seul l’introduction d’un nombre suffisant d’individus lors des réintroductions et des renforcements des populations pouvait permettre la réussite de l’opération.

Des études furent menées pour permettre la réalisation de ces différentes actions sans affecter les populations sauvages.

Pour éviter les effets indésirables liés à l’élevage en captivité, comme le développement de la consanguinité, des mesures correctives ont été adoptées. Un grand nombre de spécimens différents furent utilisés pour l’établissement des populations captives, ce qui ne fut pas toujours facile à réaliser.

Des signes encourageants

Le programme de reproduction fut lancé au milieu des années 1990 avec une population initiale de 300 individus. Il a permis la naissance d’environ 25.000 samarugos par an. À ce jour, plus de 200.000 poissons sont nés en captivité et ont été relâchés dans la nature.

Pour maintenir la cohérence zoologique des différentes zones géographiques, les réintroductions furent effectuées en tenant compte des différents groupes génétiques. Les samarugos furent régulièrement relâchés durant les mois d’octobre et novembre en synchronisation avec le cycle naturel de reproduction des individus nés la même année.

Lagune d’Albufera © Etrusko

Au vu du succès de l’opération, des études sont actuellement menées en vue d’étendre les aires de réintroduction à des régions non protégées où l’espèce était historiquement présente.

Bien que l’espèce soit encore considérée comme menacée, le programme de réintroduction espagnol a permis le maintien et même le repeuplement de nombreux bassins. De nombreuses sous-populations ont pu être sauvées d’une disparition certaine.

Des preuves attestent de la présence initiale du samarugo dans la région de Perpignan. La transformation totale et systématique des zones marécageuses en domaines agricoles fut fatale pour l’espèce.

Cependant, rien n’empêche quelques petits courageux à partir à la recherche d’éventuelles populations survivantes. L’exemple espagnol prouve que la disparition d’une espèce en difficulté n’est pas une fatalité.

D’autres exemples existent également sur notre territoire. Des programmes d’ampleur pour la restauration des habitats aquatiques sont actuellement en cours dans plusieurs régions françaises. Les efforts engagés ont ici aussi porté leur fruit.

L’un des faits les plus marquants est celui de la Seine : à la suite de mesures importantes pour l’amélioration de la qualité de l’eau du fleuve, le nombre d’espèces de poisson est passé de douze à trente-deux entre 1983 et 2013. Plusieurs poissons migrateurs comme le saumon, la truite de mer ou l’alose ont fait un retour marqué, signes révélateurs du succès de l’opération.

Pour le moment, aucun programme n’est en cours pour le Valencia hispanica. Mais qui sait ? Avec le temps, peut-être le samarugo reviendra-t-il lui aussi pointer le bout de son nez dans les cours d’eau du sud de la France ?

Contenus sponsorisés

A propos de l'auteur

Benoit Chartrer fait partie des membres du projet Fishipédia. Sorti d'une formation d'ingénieur en physique, il a progressivement changé de spécialisation en se tournant vers les technologies Web. Passionné de voyage et de biologie, il tient également un compte Instagram dédié à la photographie animalière.

Articles liés

Jours
Heures
Min
Sec

Très bientôt... Découvrez FishiShop
Des produits écologiques & ludiques
Pour soutenir le projet Fishipédia

Découvrez FishiShop
Des produits écologiques & ludiques
Pour soutenir le projet Fishipédia

  • {{name}}

    {{#street_number}}{{street_number}}, {{/street_number}}{{#route}}{{route}}{{/route}}
    {{postal_code}} {{town}}

    {{#phone}}{{phone}}{{/phone}}{{^phone}}-{{/phone}}